nOUVEAU COMMISSAIRE 
entrevue avec le commissaire au lobbyisme par intérim
Q1. Vous avez œuvré plus de huit ans au Protecteur du citoyen et vous agissez maintenant à titre de commissaire au lobbyisme par intérim. Quelle appréciation faites-vous de l’apport des personnes désignées par l’Assemblée nationale à la protection des droits démocratiques? 

Le rôle des personnes désignées, dont l’indépendance est établie par la loi, est de protéger les droits des citoyens et d’assurer un traitement impartial de situations où une administration publique, voire les élus eux-mêmes, pourraient être en situation de juge et partie. Il importe de rappeler que les personnes désignées ne définissent pas les droits, mais veillent à leur respect. En ce sens, elles sont un élément essentiel au bon fonctionnement de notre société démocratique.


Q2. À la lumière de vot
re expérience dans la fonction publique et de votre récente nomination à titre de commissaire au lobbyisme par intérim, quel regard portez-vous sur la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme ?

En prenant connaissance de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, j’ai particulièrement apprécié l’article 1 qui indique d’emblée que le lobbyisme constitue un moyen légitime d’accès à nos institutions. Adoptée en 2002, cette loi est encore récente et méconnue. Je crois qu’il existe toujours, à tout le moins pour une part de la population, une certaine méfiance à l’égard du lobbyisme. L’article 1 précise par ailleurs qu’il est dans l’intérêt du public que ce dernier puisse savoir qui cherche à influencer quelle institution. C’est une reconnaissance formelle du droit à l’information du citoyen.

Dans son essence, la Loi vise à asseoir la légitimité des activités de lobbyisme et à reconnaître un droit de savoir en cette matière. Pour ce faire, deux objectifs sont poursuivis : éthique et transparence. Il faut voir que ces objectifs sont complémentaires; la transparence renforçant le comportement éthique.

Enfin, dans ses modalités d’application, la Loi nécessite certaines améliorations comme cela a déjà été souligné précédemment dans plusieurs rapports.


Q3. Quelles sont vos priorités institutionnelles?

En situation intérimaire, il importe d’abord de s’assurer du bon fonctionnement de l’organisation. J’ai d’ailleurs hérité d’une maison en ordre, ce qui facilite mon travail. L’institution complète actuellement un cycle de planification stratégique (2014-2018). Aussi, il m’apparaît fondamental de bien préparer l’institution, avec l’ensemble de mon équipe, aux défis qui l’attendent au cours des prochaines années. Je pense ici, entre autres, au registre des lobbyistes qui, après 15 ans, devrait être modernisé et plus convivial pour tous les usagers.

Q4. Pourquoi la révision de la Loi est-elle nécessaire?

On peut identifier certains éléments qui ressortent comme essentiels afin de faciliter l’atteinte des objectifs de transparence et de sain exercice des activités de lobbyisme. Le partage des responsabilités entre deux entités, le Commissaire au lobbyisme et l’Officier de la publicité des droits personnels et réels mobiliers, concernant le registre des lobbyistes ne m’apparaît pas optimal. La désuétude du système ainsi que la lourdeur de la démarche d’inscription engendrent des difficultés. Tout cela ne favorise pas l’inscription des lobbyistes. Dans le même esprit, il peut y avoir un certain flou pour les lobbyistes dans l’interprétation de la notion de « partie importante » comme en témoigne un jugement récent. Par ailleurs, la Commission Charbonneau a formulé une recommandation, qui avait été faite à maintes reprises par mes prédécesseurs, à l’effet de porter le délai de prescription, actuellement d’un an, à trois ans. Enfin, je crois que certaines infractions à la Loi pourraient être sanctionnées de façon administrative par l’utilisation de sanctions administratives pécuniaires plutôt que de faire l’objet de poursuites pénales.


Q5. Enfin, comment voyez-vous la contribution des lobbyistes, des titulaires de charges publiques et des citoyens dans la poursuite des objectifs de transparence et de saine pratique des activités de lobbyisme?

La plus grande contribution de tous les acteurs serait, à mon avis, de réaffirmer clairement le caractère légitime, voire nécessaire, des activités de lobbyisme. Que ce soit au plan économique ou social, une société qui se veut innovante doit accepter, certains diraient même encourager, le principe de pouvoir faire des représentations, soit de proposer des solutions non sollicitées qui vont dans le sens de l’intérêt public. Si cela est reconnu, la transparence attendue sera facilitée. Bien sûr, l’histoire nous enseigne qu’il y aura probablement toujours des manquements; mais ceux-ci seront moins fréquents si l’activité est perçue comme naturelle pourvu qu’elle respecte certaines balises. Légitimité reconnue et comportement éthique vont de pair.