« Le lobbyisme est nécessaire au fonctionnement de la démocratie. » En 2007, c’est avec cette conviction que l’étudiant au baccalauréat en science politique Maxime Boucher réalisait son stage rémunéré au Commissaire au lobbyisme et poursuivait par la suite ses études, après avoir été le premier lauréat du concours de rédaction de l’institution. Dix ans plus tard, M. Boucher a soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Citizen Inc. : Lobbying et démocratie au Canada » au département de science politique de l’Université de Montréal. Récemment, il a eu l’amabilité de venir présenter les conclusions de sa thèse à quelques représentants du Commissaire au lobbyisme.
Fondée sur trois enquêtes complémentaires sur le lobbying, la thèse de M. Boucher fait le point sur l’exercice du lobbying au Canada en s’appuyant sur des données du registre des lobbyistes canadien recueillies entre 2008 et 2013. Ayant effectué une cartographie du lobbying, M. Boucher a constaté que le lobbying est principalement exercé par les associations commerciales, les entreprises et les associations d’intérêt public. À la lumière de la littérature scientifique produite sur le lobbying et son incidence sur la démocratie, M. Boucher a circonscrit sa thèse autour de trois thèmes : l’impact des institutions parlementaires canadiennes sur les relations entre les lobbies et le gouvernement, les relations d’échange entre les lobbies et la bureaucratie canadienne et l’accès des lobbies aux acteurs et organismes centraux du gouvernement.
Voici les principales conclusions de la thèse de M. Boucher:
Lobbying et institutions parlementaires : le lobbying n’est pas limité au Bureau du premier ministre
Contrairement aux données théoriques postulant que l’exercice du lobbying se concentre principalement auprès des membres des institutions exécutives (notamment le Bureau du premier ministre), les données empiriques de la première enquête de M. Boucher démontrent que « le lobbying ne s’exerce pas seulement au Bureau du premier ministre, mais partout, essentiellement au sein de la Chambre des communes », explique le docteur en science politique.
De plus, selon l’enquête de M. Boucher, « il apparaît que les approches qui insistent trop fortement sur le rôle structurant des institutions parlementaires traduisent mal la réalité du lobbying. Les preuves empiriques montrent plutôt que de nombreux lobbies canadiens optent pour des stratégies intégrées axées sur l’intervention auprès des membres des branches exécutive et législative. »
Informer l’Administration publique : la position centrale d’une institution est plus prisée que son budget
Selon les données empiriques de la deuxième enquête de M. Boucher, les ministères sectoriels et les organismes centraux sont les institutions publiques les plus interpellées par les lobbyistes. « Ce n’est pas le budget d’une institution qui importe, mais bien le fait qu’elle soit au centre du pouvoir qui fait en sorte qu’elle fait l’objet d’un lobbying important ».
De plus, les données empiriques colligées et analysées par M. Boucher confirment les données théoriques voulant que « le lobbying est caractérisé par la concentration des échanges entre l’administration centrale (ministères et organismes centraux) et certaines associations et entreprises, qui se voient accorder une plus grande attention par les bureaucrates qui doivent gérer de larges flux d’information ». Autrement dit, plus les ministères et organismes centraux font l’objet d’activités de lobbyisme, plus ils ont tendance à accorder leur attention aux mêmes acteurs.
Lobbying et accès au Bureau du premier ministre : multiplier les contacts est une stratégie gagnante
La troisième enquête menée par M. Boucher démontre que le Bureau du premier ministre constitue l’institution la plus sollicitée des organismes centraux. Les lobbies dominants au Bureau du premier ministre sont les associations commerciales, les entreprises, les syndicats et les associations d’intérêt public.
Ainsi, les données statistiques démontrent que les stratégies des lobbies misant sur l’intensité et les diverses cibles des activités de lobbying tendent à favoriser l’accès au Bureau du premier ministre : « Plus un lobby multiplie les contacts avec les divers membres du gouvernement, plus il a accès au Bureau du premier ministre » , a constaté le docteur en science politique.
En somme, à la lumière des conclusions de recherches de M. Boucher au sujet de l’accès des lobbies aux plus importantes instances décisionnelles, « les résultats appuient la conception qui définit le lobbying comme un phénomène social qui repose sur la confiance et l’échange mutuels entre les acteurs politiques et les acteurs économiques et sociaux ».
Pour lire la thèse de M. Maxime Boucher :
« Citizen Inc. : Lobbying et démocratie au Canada ».